Un cadavre dans la bibliothèque.

Bertrand est professeur de français à la retraite. Claire l’a quitté alors qu’il sortait de la vie active. Depuis, il vit seul une existence sans histoire dans le village de son enfance. Sa semaine est organisée pour tromper l’ennui et elle est rythmée par des petits plaisirs : promenades dans le parc communal, apéritif puis pizza avec Pascaline, l’ancienne collègue qui le rejoint au café du commerce. Et puis il y a Orion, son petit-fils, qu’il accueille le mercredi après l’école avant que sa fille Chloé les rejoigne pour le repas du soir. Curieusement, il lit des livres d’économie qu’il emprunte à la bibliothèque. Cet intérêt soudain est-il une manière de rejoindre Claire dans un savoir dont elle avait fait son métier ?

Et puis vient le moment où la monotonie se rompt : il reçoit une enveloppe de la bibliothèque qui lui demande de rendre un ouvrage qu’il n’a pas emprunté. Qui plus est, le titre de l’ouvrage le laisse perplexe : Quarante-deux positions pour atteindre le septième ciel. Il est suivi de deux autres avis lui demandant de rapporter Neuf trucs faciles pour contrer les pannes de libido et Hot, hot, hot. Il attend impatiemment le samedi pour éclaircir le mystère avec la nouvelle et jeune bibliothécaire qui a remplacé il y a peu son ami Léon, admis lui aussi à la retraite.  Mais celle-ci ne veut rien entendre et lui reproche de ne pas assumer ses choix de lectures, le ton de leur échange monte sous le regard de deux adolescentes. Le lendemain, le corps sans vie de la jeune femme est retrouvé parmi les livres et la police, qui parle de meurtre, entame l’enquête. Évidemment, elle interroge les dernières personnes qui ont croisé la victime, dont Bertrand avec qui elle a eu une altercation devant témoin. Mais il n’est pas inquiété, du moins dans l’immédiat. L’événement le fait néanmoins sortir de sa vie rangée car il est décidé à élucider le mystère, ce qui le rapproche plus encore de Pascaline qu’il associe à ses recherches, d’autant qu’il redoute que l’on sache qu’il a hacké le programme informatique pour effacer l’emprunt litigieux … Désormais, sa vie est rythmée par les informations qu’il recueille avec avidité auprès d’autres villageois et par la lecture de la presse locale. Dans ce village à taille humaine, tout le monde se connaît et le meurtre perpétré met au grand jour ce que la vie ordinaire dissimule. Les amours cachées, les ambitions politiques locales, les petites bassesses. Et surtout, Bertrand découvre qu’il n’est pas le seul lecteur à avoir reçu un avis de rappel gênant …  

Dans ce roman policier villageois, somme toute un rien gentil, Didier Poisson tient son lecteur en haleine sans le soumettre à la haute tension qui caractérise bien des productions contemporaines. Le personnage central d’Avis de retard, dont il fait le narrateur unique, s’impose à nous au fil des pages avec ses petites manies et sa candeur attachante, finissant de faire de cette lecture un moment de détente appréciable en ces temps tourmentés.

Thierry Detienne dans Le Carnet et les instants.

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